Notre
article résume les arguments d'Abu Chouqqa dans son
Encyclopédie
de la femme musulmane.
3ème volet :
Discussion autour des objections aux opposants de la participation de
la femme à la vie en société
Abu
Chouqqa étudie plusieurs objections que les opposants à la
participation de la femme musulmane à la vie de la société
avancent, et y répond. Nous présentons quatre de ces objections,
qui tournent essentiellement autour de la question de la mixité pour
entraver l'action des femmes, et nous indiquerons les réponses de
notre auteur, avec quelques compléments :
●
Objection
n° 1 : Les Textes sacrés montrant cette participation
féminine sont liés au Prophète, lui sont spécifiques et sont
sans portée générale.
La
réponse à cette objection est que le principe dans les relations
sociales (mu'âmalât) est :
« tout est autorisé sauf ce qu'Allâh et son Envoyé ont
apporté comme preuve d'interdiction » » ; et il
faut des preuves pour dire qu'une loi est spécifique au Prophète .
D'ailleurs, si l’on dit que ces Textes étaient spécifiques au
Prophète , alors qu'en est-il de toutes ces femmes qui ont
été en contact avec lui? (cela n'était pas spécifique pour
elles). J’ajouterai que cette participation des femmes à la vie
sociale se faisait non seulement au contact du Prophète mais
également des autres hommes de l’époque, les sahaba, et qu’elle s’est
poursuivie de la même manière à l’époque des Califes bien
guidés et au-delà comme le montrent tous les livres d'Histoire. Et ces pieux prédecesseurs respectaient les préceptes islamiques lors des contacts, à savoir ne pas s'isoler entre hommes et femmes étrangers, et respecter la pudeur vestimentaire et langagière.
● Objection
n° 2 : les contacts entre hommes et femmes chez
les sahabas
sont
particuliers et sans portée générale.
Cette
objection ne tient pas du fait des trop nombreux cas divers et variés
d’une part, et du fait d’autre part que ce qui est valable du
temps du Prophète l'est pour les temps futurs et que des
imams comme Al-Bukhârî et Ibn Hadjar en ont bien tiré des règles
générales, pour ne citer qu'eux. J’ajouterai que la voie
des sahabas (qawl as-sahabi plus
précisément, qui signifie l'opinion du compagnon) est une source
reconnue de la jurisprudence islamique et le fait est que
les sahaba ont agréé cette participation de la
femme à quasiment toutes les échelles, même si elle ne se faisait pas dans la même proportion. Ajoutons que ces femmes pieuses des premiers temps de l'islam savaient très bien harmoniser leur vie de famille (veiller aux droits de leurs enfants et leur mari) avec des activités sociales (étude de la science et enseignement, participation aux batailles, travaux et certains métiers, visites entre amies, divertissement). Ultérieurement, nombreux
sont les savants qui ont tirés des règles générales de
ces hadiths sur les compagnonnes.
●
Objection
n° 3 : ces contacts étaient motivés par la nécessité.
La
réponse est que si ces contacts étaient motivés par la nécessité
il faut alors une preuve de l'interdiction première, de plus il faut
montrer où est la nécessité et enfin, on demande à ces
opposants : qui a rapporté cette nécessité chez les grands
imams prédécesseurs ?
●
Objection
n° 4 : la société du temps du Prophète était
une société vertueuse où la tentation n'était pas à craindre, à
l'inverse de notre société dissolue où la tentation est
omniprésente.
Abu
Chouqqa répond qu’il est obligatoire de se conformer au modèle du
Prophète , et puis il y avait aussi des hypocrites, des non
musulmans dans cette société.
J’ajouterai
que malgré la vertu ambiante il y a eu des cas d’adultères et de
fornication, il y avait beaucoup de tribus nouvellement converties
qui étaient loin d’avoir atteint un niveau général de vertu
(dont un certain nombre ont d'ailleurs apostasié dès la mort de
l'Envoyé ) contrairement à la société directement au contact
du Prophète. Ce dernier n’a pas pour autant limité leur mixité saine et qui suivait les règles de la charî'ah,
pas plus que ne l’ont fait les Califes bien guidés après lui [1]. Ainsi il est malheureux de vouloir limiter le champ
d’action des femmes au sein de la société sous prétexte de la
mixité alors que celle-ci ne fait que suivre la bienséance et les
règles islamiques connues (partage d'un espace commun entre les
hommes et les femmes, mais avec des limites dans le regard,
l'habillement, et une interdiction de l'isolement entre un homme et
une femme non-mahram et de ce qui constitue une fitnah).
Qui chez nos pieux prédécesseurs aurait empêché les femmes
d’œuvrer dans la société ? Par ailleurs, si les gens qui
veulent interdire toute mixité même dans le respect des règles
islamique le font au motif de la différence entre les mœurs
d’aujourd’hui et ceux de la société prophétique, pourquoi ne
demandent-ils par exemple, dit Abu Chouqqa, pas de restreindre l’application
des Huddud (les
sanctions pénales fixées par les Textes sacrés) ou encore de la
polygamie au nom de cette même différence ? Et qu'Allâh nous
préserve d'altérer Sa religion.
Conclusion
En
conclusion, non seulement il existe de nombreux motifs légitimes
pour la femme musulmane de participer à la vie de la société, en
plus du fait que les arguments de ceux qui s'y opposent sont
largement contestables, voire complètement infondés, mais rétablir
cet aspect de la religion est une nécessité. Il s’agit de la
sauvegarde de la religion telle qu’elle est révélée par les
Textes et comprise par les sahabas et leurs
successeurs.
En
outre, on ne peut rester passif face au fait d’enlever aux femmes
leurs droits les plus élémentaires. Celui qui rétablit la vérité
en la matière et oeuvre à la faire appliquer ne fait que suivre
l'exemple de certains pieux prédécesseurs qui ordonnaient le bien
et interdisaient le mal, y compris en matière de droit des femmes :
'Abdallah
Ibn 'Omar dit « Le Prophète a dit : « N'interdisez
pas aux femmes de se rendre à la mosquée la nuit. ».Un fils
de 'Abdallâh ibn 'Umar dit : « Nous ne les laisserons pas
sortir et prendre cela comme prétexte ». Le fils de 'Umar le
réprimanda (une variante ajoute: 'Abdallâh lui proféra une insulte
que jamais je ne l'avais entendu adresser à quiconque), et
s'exclama: « Quoi, je te répète les paroles du Prophète ,
et tu dis : nous ne les laisserons pas! »[2].
Les
femmes musulmanes et les hommes musulmans sincères, soucieux d’être
fidèles à leur religion telle qu’elle a été révélée et telle
qu’elle a été comprise par les premières générations bénies
de musulmans, les salaf as-salih, devraient suivre ce
dernier exemple en matière de rétablissement du droit des femmes en
général et en ce qui concerne leur participation à la sphère
sociale en particulier.
{Les croyants
et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils commandent le
convenable, interdisent le blâmable accomplissent la Salât,
acquittent la Zakat et obéissent à Allah et à Son messager. Voilà
ceux auxquels Allah fera miséricorde, car Allah est Puissant et
Sage.}
(Coran s. 9 v. 71)
Wa
Allahu ‘Alem (Allâh est le plus Savant).
[1]
À l'époque de ces Califes, les futuhât se
sont intensifiés et de plus en plus de peuples avec des mœurs et
des cultures diverses et variées ont embrassé l'Islam, et la
majorité de ces musulmans ne vivaient pas en contact avec les
grands sahabas formés
à l'éducation prophétique : il est difficile de prétendre à
la grande vertu de toutes ces peuplades, surtout lorsqu'on sait que
les premières grandes dissensions de la oummah (chiisme,
kharijisme etc.) sont venues de certaines d'entre elles...
[2]
Rapporté par Muslim dans son Sahih.
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