L’Encyclopédie
de la femme musulmane d'Abu Chouqqa fait partie de ces ouvrages
importants sur le plan de la pensée, de l'érudition, et même de la
jurisprudence islamique, et qui restent pourtant trop méconnus. Le
caractère volumineux de l'ouvrage (6 volumes dans la première
édition et 2 volumes dans la dernière) et par conséquent son prix
doivent certainement y jouer. Pourtant, c'est un ouvrage
incontournable que toute personne s'intéressant à la question de la
femme en Islam devrait acquérir.
Dans
cet article, nous avons décidé de présenter sous forme succincte
ce qui nous paraît être l'apport majeur de cet ouvrage : l'étude
de la participation de la femme musulmane à la vie sociale. En
effet, s'il est un aspect largement négligé et même renié dès
qu'il s'agit de la femme, c'est bien celui de son rôle
social, et c'est cet aspect sur lequel les rénovateurs
musulmans devraient faire davantage de recherches. En outre, nous ne
serions que trop encourager les musulmans à la lecture complète de
l’Encyclopédie de la femme musulmane.
1.
Les motifs de la participation à la vie sociale de la femme
musulmane extraits du coran et de la sunnah
Dans
son ouvrage Abu Chouqqa a extrait du Coran et de la Sunnah onze
motifs de participation de la femme à la vie de la société. Chacun
de ces motifs est appuyé par des exemples issus des Textes sacrés.
Il est possible d'y extraire d'autres motifs d'une participation
sociale féminine, mais nous nous bornons ici à citer ceux issus de
l'analyse de notre auteur, en en détaillant quelques-uns :
●
Rendre
la vie plus facile.
L'auteur
cite dans cette catégorie le fait que les femmes allaient interroger
directement l'Envoyé de Dieu sur des questions de
jurisprudence.
●
Permettre
à la personnalité de la femme de se développer.
Les
hadîths reliés à cette catégorie concernent les aspects suivants
: faire des bonnes actions de charité, fréquenter le Prophète
pour apprendre et s'inspirer de lui, participer à des débats de
société…
●
La
recherche du savoir
●
L'accomplissement
des bonnes actions
●
Ordonner
le bien et interdire le mal
●
Appeler
à la religion de Dieu
●
Le
Jihâd dans la voie de Dieu
Les
femmes parmi les compagnons se sont illustrées dans de nombreuses
batailles, comme celle de Uhud, de Tabouk, de Khaybar, etc. Elles
portaient de l’eau aux combattants, faisaient à manger dans le campement, soignaient les blessés,
rapatriaient les morts, encourageaient les soldats et ont même, à
certaines occasions, participé directement aux combats.
●
La
pratique de métiers
Les
femmes musulmanes de l’époque prophétique exerçaient différents
métiers. Certaines étaient agricultrices, bergères, artisanes
(fabrication de vêtement, de chaussures, tannage de peaux de cuir…),
infirmières, médecins, professeures de lecture et d’écriture, puis à l'époque des califes muhtasib (chargé d’ordonner le bien et de réprimander le mal dans
le marché de Médine)…En plus de ces exemples cités par Abu
Chouqqa dans l’Encyclopédie de la femme musulmane, nous pouvons
ajouter comme métiers exercés par les femmes et cités dans les
recueils de hadîths ou les ouvrages biographiques : enseignantes en
religion, femmes d’affaires, commerçantes, notamment des vendeuses
de parfums, coiffeuses, nourrices, servantes…Ces activités se faisaient à temps partiel ou même plein, même si les modalités pouvaient être différentes de celles de nos jours et se faisaient souvent dans le cercle familial ou en tant qu' "indépendante".
●
L’activité
politique
●
Faciliter
les occasions de mariage
●
Faciliter
les distractions pures et la présence aux célébrations et aux
rassemblements visant au bien
Abu
Chouqqa conclut que cette participation sociale féminine fait partie
sans ambiguïté de la voie même de l'Envoyé d'Allâh , de sa
sunnah : « C'est la voie qu'il a choisie et qu'il a effectivement
pratiquée, dans tous les domaines publics et privés de la vie, de
sorte que c'était la pratique générale de la société musulmane à
son époque. Avant d'être une tradition de notre Prophète (que Dieu
lui accorde la grâce et la paix), cette participation était la
Pratique des prophètes de Dieu, la paix sur eux tous. »
Cette
participation est également explicite (qat'i), tant que sur le plan
de la transmission -trois cents hadîths rien que dans les
Sahih d'al-Boukhârî et Muslim entre les actes, les paroles et les
assentiments du Prophète !- que sur la plan de la
signification (car la plupart des textes sont totalement clairs et
sans ambiguïté). Cette participation implique également un contact
régulier entre hommes et femmes dans la société, ce contact étant
géré par les règles de la charî’ah.
2.
Les motifs de la participation à la vie sociale de la femme
musulmane issus de l'Ijtihâd en fonction de notre contexte
En
plus de ces motifs que notre auteur a pu extraire directement des
Textes sacrés, une réflexion sur l’évolution de la société en
rapport avec la place qu’y occupent les femmes permet d’extraire
des nouveaux motifs de la participation de la musulmane à la vie de
la société par un Ijtihâd. Abu Chouqqa cite les aspects suivant
selon son analyse :
●
Le
besoin que beaucoup de femmes ont de travailler et de sortir de chez
elles.
●
Le
besoin accru de la participation de la femme à l'activité sociale
et politique.
●
La
complexité de la société moderne et l’accroissement du nombre
des institutions de tout ordre avec lesquelles les hommes et les
femmes sont en contact.
●
La
disparition des domestiques obligeant les femmes à sortir pour
accomplir leurs tâches et l’accroissement des tâches au sein du
foyer.
●
L’augmentation
des distances entre les villes et des déplacements (école, médecin)
: la femme fait ces déplacements, car l'homme n'en a plus le temps.
●
L'urbanisation
moderne avec les grands immeubles : la femme a besoin de sortir pour
s'aérer de ce cadre étouffant (et retrouver un contact avec la nature).
●
La
distance accrue entre les membres de la famille : la femme doit
sortir, voire se véhiculer pour aller visiter sa famille.
Dans
tous ces aspects, les hommes et les femmes peuvent se côtoyer dans
le respect des règles islamiques ; il serait en effet difficile pour
ne pas dire impossible d’exiger une séparation totale des sexes
dans les différentes sphères de la société où la présence des
hommes comme des femmes relève du besoin voire de la nécessité.
[1]
Nous entendons par rénovateurs musulmans ceux qui entendent proposer
une réforme intellectuelle de la pensée musulmane d'une époque
donnée à cause des corruptions qui s'y sont glissées, afin de
revenir vers une vision plus proche du Coran et de la Sunnah d'une
part, avec une bonne compréhension du contexte d'autre part.
[3]
Abu Chouqqa a en effet dénombré trois cents hadîths montrant
la participation sociale des musulmanes dans les Sahihayn (les
deux Sahih d'al Bukhârî et Muslim) et il va s'en dire qu'il en
existe beaucoup plus dans les autres recueils et que l'on pourrait
établir bien d'autres classements que celui présenté plus haut. Le
Coran montre également plusieurs exemples de femmes dans la vie
sociale, telles la Reine de Saba, les filles de Chou'ayb allant
chercher l'eau au puits fréquenté par une foule de bergers, la sœur
de Mûsâ suivant le périple de ce dernier dans son couffin jeté
dans le fleuve jusqu'au palais de pharaon, la plainte de Khawla bint
Tha'laba auprès du Prophète, car son mari l'avait
injustement divorcé (voir début de la sourate al Moujâdalah).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire