70 poétesses antéislamiques



Il est un fait connu que les arabes de l'époque antéislamique prisaient la poésie et étaient même devenus maîtres en la matière. Les femmes également se sont illustrées dans ce domaine et un certain nombre de leurs poèmes sont passés à la postérité. Si le nombre de poètes et poétesses ne peut être connus avec exactitude, des recensements ont tout de même été effectués par ce que les historiens ont pu retrouvé comme traces. Ce ne serait pas moins de 70 poétesses qui auraient existé juste avant l'avènement de l'Islam. Certaines de celles-ci, comme la plus célèbre d'entre elles, al Khansâ, '« la plus grande poétesse arabe »1 se sont converties à l'Islam. Un certain nombre de compagnonnes du Prophète Muhammad, pbDsl, dont certaines de ses tantes et épouses, ont composé des poèmes, comme leurs homologues masculins.
Les orientalistes s'étant intéressés à la poésie arabe antéislamique, on peut trouver en français des études sur leurs auteurs, leurs styles et thèmes, de même que des traductions de ces poétesses de la première heure.

Un extrait d'un article récent :
« Les poétesses sont au nombre de soixante-dix selon le recueil de Louis Cheikho intitulé Riyâdh al-’Adab fi marâthî shawâ‘ir al-’Arab3. Le thrène s’est développé au VIe siècle dans toutes les tribus du domaine arabe depuis l’Euphrate jusqu’au Hedjaz; la survivance de certains dîwân-s comme celui d’al-Khansâ’ montre que ce genre s’est étendu et conservé au cours du siècle suivant. Les textes conservés sous une forme de fragments, plus ou moins longs, s’insèrent dans des récits semi-historiques de « gestes » comme les guerres entre tribus, dont celle de Basûs, fort connue des historiens. Ces femmes avaient chacune célébré, à sa façon, dans une tonalité particulière, un amant ou un frère dans des élégies funèbres. Leur poésie était surtout l’expression d’une douleur particulièrement profonde ressentie par la perte d’un être cher. »2


Pour conclure, un poème d'al Khansâ' où le thème récurrent de ses pleurs pour la mort (dans la jahiliyyah) de ses frères ressort avec son style si caractéristique :

Poème 18:Quand gémit une tourterelle

Je pleure sur Sakhr
Quand gémit dans la vallée
Une tourterelle au précieux collier.

Il portait un haubert fait
De mailles doubles et ceignait
Un sabre aux tranchants polis
De la couleur du sel.

Il s'armait d'un arc
En bois de grewia qui gémissait
Et d'une lance à hampe souple guère
Desséchée et point ordinaire.

D'un naturel fort généreux,
Ni faible, ni ignorant,
Il était aussi courageux
Qu'un lion de la forêt courant

Parmi les lions de Bîcha, à la crinière flottante,
Pour protéger un chemin
A travers les sables de ses plus proches voisins :
Citadins et Bédouins.

Il rassasiait les gens si un vent,
Hurlant et soulevant
La poussière, chassait les nuages.3



1 M. Hamidullah, Le Prophète de l'Islam. Sa vie, son œuvre, 1998, tome 1, point 773 p. 436.
2 Henda Zaghouani-Dhaouadi , « Le cadre littéraire et historique des Mu‘allaqât et de la poésie arabe préislamique », Synergies Monde arabe n° 5 - 2008 pp. 23-46.
3 Anissa Boumediène, Moi, poète et femme d'Arabie / Al-Khansa', poèmes trad. de l'arabe, préf. d' André Miquel, Paris : Sindbad, 1987.

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